Chapitre 16

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Le désert de Hod se dévoila sous un ciel mauve profond. Au firmament, des milliards d’âmes, petites étoiles, progressaient sous l’œil vigilant des anges d’Ignis Amethystus. Les cloches résonnaient, célébrant la victoire des âmes sur les épreuves de la route du Jugement et leur arrivée à Hod. 

— C’est quoi les épreuves ? demanda Prométhée, ses grands yeux captivés par le spectacle étoilé. 

— Sur la route du Jugement, les âmes des mortels doivent démontrer qu’elles ont conscience de leur passé et de leur présent, expliqua Michael. Elles doivent assumer leurs vies antérieures, leurs actes, leurs opinions et leurs propres personnalités. La connaissance de soi est indispensable pour pouvoir rejoindre EL tout là-haut.

— Oui mais c’est quoi les épreuves ? redemanda Prométhée.

— Les anges questionnent les âmes, je crois, spécula Michael. Els leur font vivre des situations où elles doivent faire preuve d’authenticité. Je t’avoue que je n’en sais pas plus. Les procédés des anges sont… psychiques, subtils, éloignés des philosophies d’une vertu militante. 

— Comment els peuvent leur faire vivre des choses alors que ces âmes sont mortes ? se demanda Prométhée. 

— La fin est un début, sourit Michael. C’est la devise d’Ignis Amethystus. 

— Papa dit ça souvent, les anges sont ses enfants après tout.

Michael acquiesça.

— Tu… tu entends souvent Père parler ? réalisa soudain la vertu. 

— Bah oui, tous les jours presque. 

— Père rend souvent visite à ta maman, c’est ça ? 

— Oui. Els se font des bisous ! Beurk !

Michael ne put s’empêcher de rire en voyant l’expression outrée de Prométhée. 

— Enfin voilà, c’est sous ce beau spectacle que j’ai grandi…

— Papa el fait des bisous à ta maman ? demanda soudain Prométhée. 

Michael mit quelques instants à répondre un peu déstabilisé.

— Euh… Non. Ma maman est à Hod, Père à Tiphéreth. Leur union n’a été que… ponctuelle, spécialement arrangée pour me concevoir. 

— Elle est comment ta maman ? demanda Prométhée.

La silhouette d’Ophélia se dessina dans le désert, sous le ciel assombrit, manifestée ici par les souvenirs de Michael. L’azoha souriait doucement, ses yeux cristallins perçant la nuit. Ses longs cheveux noirs, sous un voile de soie beige, ondoyant dans le vent.

— Elle est belle ! s’exclama Prométhée.

— Oui, sourit Michael. 

— Pourquoi elle n'est pas venue à Tiphéreth avec toi ?

— C’est une longue histoire, soupira Michael. 

Autour d’Ophélia, de nouvelles figures apparurent, réunies autour d’un lac de lait. Une immense vertu faite de mercure domina toutes les autres. L’éloha était grand, beau, impressionnant mais son expression affichait une certaine bonhommie.

— Voici mon mentor, Raphaël, expliqua Michael. Et à ses côtés, avec les cheveux roses, c’est Kokabiel, son petit frère. Els sont les fils de l’archange-roi Daniel, souverain de Tiphéreth. Ce sont els qui m’ont élevé. 

Autour apparurent aussi Brenna, Siriniel et Constantiel, la domination que Michael avait, sans le vouloir, laissé aux ténèbres durant la bataille de Sicad. La vertu n’osa le regarder. Prométhée le vit, et réclama des explications. 

— Je t’expliquerai, un jour, promis, répondit Michael. Mais pour l’instant tu es trop jeune pour entendre certaines choses. Je ne veux pas te faire peur.

Pour distraire Prométhée, Michael quitta la vision du désert pour montrer ses souvenirs d’Ennead, la chorale où elle avait grandi puis servi. Elle montra les murs de mercure liquide scintillant de son quartier général, ornés de vitraux d’ambre, déversant une glorieuse lumière orangée sur la foule des vertus militantes. Elle montra les tapisseries de soie, de fils d’argent et d’or qui représentaient les hauts-faits de la chorale, combattant les abominables démons. El parla des victoires de Raphaël, à Kitrack, Janna ou encore Sémélé (des mondes de Hod) contre les hordes titanesques Abomina, Malédicta et Ereba. El parla aussi de HodArch, Brenna Fitzarch et sa grande victoire à Tophana contre Noctabomina. 

— Nos frères les Fitzarch ne sont pas que dans le Palais d’Argent expliqua Michael. Le Grand Architecte fait souvent don de sa graine à tous les Royaumes des Cieux. Je suis issu de cela. Ma mission était de porter sa gloire et sa puissance à Hod. 

Michael montra alors les vertus militantes combattre sur le ciel de bataille, contre une horde ténébreuse. El montra comment les vertus, lançant leurs filets de lumière, soignaient ou renforçaient les combattants en leur envoyant des ondes de lumière sacrée. Prométhée observa le spectacle bouche bée, captivé par ces lumières multicolores, qui apportaient une beauté mirifique au spectacle de la guerre. 

— Tu combattais… C’était ton truc préféré. Alors pourquoi tu es venu ici ? demanda Prométhée. 

— Je n’ai pas vraiment eu le choix, expliqua Michael. Vois-tu, j’ai eu un désaccord avec mon mentor Raphaël et… je me suis envolé vers le ciel de bataille pour secourir une petite planète appelée Sicad. Là, j’ai découvert un complot hérétique qui visait à faire un coup d’État pour renverser le roi de la planète. Le chef de ce complot, un méchant séraphin appelé Burrhus, m’a poursuivi car j’en savais trop. El a trompé mon entourage et el m’a fait beaucoup, beaucoup de mal. Après cela, j’ai compris que je n’avais plus ma place chez Ennead. Je me sentais trahi par tous ceux que j'aimais. Alors j’ai fui. J’ai reçu l’aide de personnes peu recommandables. Ça s’est mal fini. Par le hasard… ou la volonté d’EL, j’ai fini ici, à Tiphéreth. Le prix de ma fuite est grand. Tout n’est pas comme je le désire ici…

— Tu es triste car tu peux plus soigner les combattants, comprit Prométhée. 

— Nous les Fitzarch ne sommes pas censés mettre nos vies en danger, expliqua Michael. Notre graine est trop précieuse, nous devons la perpétuer. 

— Je sais, soupira Prométhée. Els disent ça tout le temps au gynécée. 

— A Hod, même si je ne pouvais pas trop m’exposer, je pouvais au moins combattre de temps en temps… Ici, je dois rester enfermé dans la salle stratégique et regarder les autres se sacrifier à ma place. 

— Tu regrettes d’être parti de Hod ? demanda Prométhée.

— J’aurais voulu ne pas avoir à partir, avoua Michael. Mais je n’avais pas le choix…

Prométhée fit une moue circonspecte. 

— Tu avais peur du méchant séraphin ? 

— Oui… Raphaël ne m’a pas protégé. El n’allait pas me protéger… Ma mère non plus. J’ai dû me débrouiller. 

— Et maintenant tu vas faire quoi ? demanda Prométhée. 

— Je vais m’occuper de toi, sourit Michael. 

Prométhée leva tous ses petits regards au ciel. 

— Tu vas vraiment passer ta vie à me raconter des histoires ?

— C’est ce que Père attend de moi, entre autres. Je suis ton gardien. Je dois t’éduquer, te protéger…

— Tu serais plus utile dehors, décida Prométhée. 

L’enfant se leva, quittant le réseau et les souvenirs de Michael, qui fut pris de court. Les deux frères se retrouvèrent dans le petit salon. Michael resta allongé sur le divan, Prométhée se tint debout, très agité. 

— Michael, clama l’enfant. Il faut que tu ailles soigner les élohim dehors !

Michael ne sut quoi dire.

— Dans le gynécée c’est trop bizarre, expliqua Prométhée. Tout le monde fait comme si de rien était mais je vois l’inquiétude dans les yeux des mamans et des tatas. La panique même ! Et maintenant dans l’abri, j’ai vu les images ! 

— Les images ?

— Les images de dehors ! Dans la salle des comms ! J’ai tout vu ! Je voulais comprendre alors je m’y suis faufilé et j’ai tout vu ! Les démons qui cassent la séphira !

L’expression de Michael se décomposa, ses yeux se remplirent de chagrin.

— Tu n’aurais jamais dû voir cela, soupira-t-el.

— Les adultes ici mentent ! C’est pas bien de mentir !

— Els ne cherchent qu’à te préserver, toi et les autres petits…

— Els mentent aussi entre els ! Els se cachent ! C’est pas bien !

Michael resta silencieux face à l'indignation de son si petit frère. 

— T’es le seul ici à vouloir faire ce qui est bien ! clama Prométhée.

Michael baissa les yeux, pensif. 

— Nous devons obéir à Père, rappela-t-el. Ce n’est pas pour rien que nous devons nous préserver…

— Y’a une différence entre se préserver et laisser le peupl’aile mourir dehors…

Michael regarda Prométhée avec admiration, étonnement, inquiétude. 

— Qui t’as mis ces mots dans la bouche ? demanda-t-el sans reproches.

— Personne ! C’est moi qui pense tout seul ! J’ai peur c’est tout ! Toi tu avais peur du méchant séraphin, moi j’ai peur des méchants démons. La peur c’est normal non ?

— Oui, c’est normal. 

— Je fais pas confiance à ceux que j’aime non plus…

— Pourquoi ?

— Parce qu’els mentent ! Els ont peur aussi, je sais. Mais els pourraient être comme toi, courageux…

Michael se redressa et s’agenouilla devant Prométhée.

— Je comprends ton indignation, mais nous ne pouvons pas sortir de toutes façons. 

— Si ! s’exclama Prométhée. 

— Hein ? 

— Tu crois vraiment qu’on peut pas sortir d’un endroit comme ça en secret ? Bien sûr que si ! Tous les grands élohim présents ici ont installé leurs petites portes secrètes depuis longtemps ! Les mamans et les tatas du gynécée en parlent beaucoup, quand elles croient qu’on les entend pas !

Michael resta un instant pantois.

— Vr… vraiment ?

— Oui !

— Et tu connais un moyen de sortir ? Vraiment ?

— Oui ! Je sais où aller et comment faire !

— Oh par EL, soupira Michael. Oublies ! Oublies ça !

— Pourquoi ?!

— C’est trop dangereux… pour toi. Je ne veux pas t’impliquer là-dedans. 

— Je suis encore un bébé ! Je risque rien ! C’est toi qui risques quelque chose. C’est à toi de décider. Moi je peux t’aider, si tu veux. Mais t’en fais pas, c’est toi qui seras puni si tu te fais attraper, pas moi ! gloussa Prométhée. Mais promis, je dirai rien. Je te protégerai dedans, et toi tu me protégeras en te battant dehors !



Michaël quitta le domaine de Padmilia les cœurs battants, tenant la petite main de Prométhée. El fit mine de ramener l’enfant au gynécée de l’abri, mais se dirigea en réalité vers la salle des communications. Là, el retrouva la foule hystérique des élohim. Michaël prit Prométhée dans ses bras et approcha comme el put de l’entrée de la salle tant convoitée. Un ophana immense s’approcha. Ses roues tournoyèrent furieusement, ses gros yeux grands ouverts. 

— Vrrr que f-rrr-aites vous ICI ? gronda-t-il, tout vibrant. 

— On vient faire comme tout le monde, répondit Michaël, masquant son agacement. On veut communiquer avec l’extérieur. 

— Vous n’êtes pas sur-rrrr la liste.

— La liste ? Depuis quand il y a une liste ?

— Nous avons dû orrrr-donner les choses. 

— On est sur la liste ! affirma Prométhée. On est ici pour PAPA !

L’ophana cligna de ses centaines d’yeux, confus. Prométhée le regarda intensément. Puis soudain, l’ophana s’agita, trembla, céda. 

— Suiivvvez moi. 

Michaël, sidéré, s'exécuta. Prométhée gloussa. 

— Qu’as-tu fais ? murmura Michaël.

— J’lui ai ordonné de m’obéir, c’est tout, affirma Prométhée.

— Tu peux faire ça ?

— Bah oui.

— Tu n’es pas censé pouvoir… Tu es trop petit…

— Chuut ! Concentre-toi, ordonna Prométhée. 

El est vraiment spécial, réalisa Michaël. Arielle avait raison, son enfant n'était pas comme les autres. C’est pourquoi Géhenna le convoitait, évidemment. Prométhée s’avérait être une bénédiction. Mais Michaël s’efforça de recentrer ses pensées sur son objectif. Guidé par l’ophana, el entra dans la salle des comm, un essaim assourdissant de panique. Le Fitzarch et son petit frère se faufilèrent vers une machine de cristal. Prométhée s’accroupit et demanda à Michaël de le suivre en dessous. La vertu regarda autour d’el, soucieux d’être observé. 

— Viens ! le pressa Prométhée. T’en fait pas, tout le monde magouille ici. 

Michaël s’avança à quatre pattes dans un étroit conduit, sous la machine. El plia ses grandes ailes au maximum, progressant avec difficulté là où le petit Prométhée avançait avec agilité. Au bout de quelques mètres, Michaël dû s'arrêter, haletant. 

— Qu’est-ce qui t’arrive ?! demanda Prométhée.

— Je… c’est trop étroit…

— Bois la potion !

Michaël soupira. D’une main, el tissa sur el-même une thaumaturgie apaisante, qui fit scintiller son halo. Puis el fouilla dans la poche de son uniforme et en sortit une petite fiole. El souffla une dernière fois, puis la bû, cul sec. Le corps de Michaël se transforma alors. Son corps disparu presque, ne devenant qu’une enveloppe molle et translucide autour de son halo de métal. 

— Haha ! Tu ressembles à un œuf sans coquille ! moqua Prométhée. 

Michaël répondit télépathiquement. 

— C’est par là ? demanda-t-el. 

— Y’a qu’un seul conduit. Suis-le et tu arriveras dehors. 

Michaël passa sous l’enfant et s’enfonça dans le petit tunnel. Avant de s’envoler, el lui adressa quelques paroles. 

— Merci Prométhée, je n’oublierai pas ce que tu as fait pour moi.

— De rien. Promis je dirai rien. Te fais pas prendre !

Michaël, désincarné, progressa dans le conduit, qui menait à un véritable labyrinthe secret. Pour ne pas se perdre, el suivit les signaux du réseau EL, qui entraient dans la salle des comms par ces passages. Michaël progressa à toute vitesse, et pourtant, sa traversée dura plusieurs jours. Plusieurs jours de désincarnation, que la jeune vertu ne supporta que grâce à son lien avec le réseau. Les signaux, au début faibles, se renforcèrent au fur et à mesure. En les sondant, Michaël découvrit des vagues lumineuses chargées de détresse. Une inquiétude électrique, une attente insupportable alors que les démons frappaient la séphira. Les échos des chocs traversaient tout le royaume, impossibles à ignorer. 

Michaël finit par émerger quelque part dans le Palais d’Argent. Là, el découvrit des foules de milliards d’élohim progresser dans les immenses galeries, supervisés par les ophanim qui guidaient le flux vers les innombrables nids du Palais. Le peuple de Tiphéreth cherchait abri ici, espérant être protégé par la lumière sacrée du Sanctuaire. Les âmes aussi étaient confinées, coulant dans d’immenses fleuves, guidés par les anges de la miséricorde. Leur travail était difficile. Rarement le Palais en avait accueilli autant. Le niveau des fleuves était haut, engloutissant en partie la foule élohienne, ajoutant au chaos. 

Michaël fit de son mieux pour rester concentré. El devait sortir d’ici, rejoindre le ciel de bataille. Peu à peu, les effets de la potion s’estompèrent et son corps réapparut sous son halo. Ses ailes retrouvées, el remonta les flux des réfugiés pour atteindre un célestoport. Là, el profita du chaos ambiant pour embarquer sur un vaisseau-monde en partance pour l’extérieur sans qu’on ne lui pose la moindre question. Le voyage pour sortir du Palais dura plusieurs jours, que Michaël passa dans une attente frustrante, l’esprit rivé sur les informations qui venaient du front. Les forces de la Milice et des séraphins-forgerons se battaient de toutes leurs forces pour repousser les démons et réparer la séphira. Mais les ténèbres, de plus en plus nombreux, gagnaient inexorablement du terrain, élargissant leur assaut sur l’œuf protecteur du royaume. En observant le combat, une évidence sauta cependant aux yeux de Michaël. Peu de nobl’ailes se battaient, la plupart étaient réfugiés dans le Palais. Les chorales Milicent qui soutenaient les troupes n’avaient pas envoyé leurs vertus de gros calibre. Leurs filets étaient fins, rattachés aux autres par des nœuds maladroits. Les ondes de lumière soignantes et boostantes qui circulaient dessus étaient diluées, faibles, atteignant mal les halos des combattants. Une sourde colère s’installa dans l’esprit de Michaël. Pourquoi les nob’lailes ne comprenaient-els pas qu’envoyer des troupes médiocres en quantité ne suffirait pas à faire face à une horde titanesque. La lumière surpuissante des plus grands élohim était nécessaire. À quoi bon préserver sa graine si la séphira cédait ? Il serait trop tard pour réagir. 

Arrivé hors du Palais d’Argent, Michaël dû voyager encore jusqu’aux frontières du royaume de Tiphéreth. Heureusement pour el, de nombreux vaisseaux-mondes transportaient des troupes de la Milice vers le front. Uniquement des jeunes élohim, à peine sortis des jupes de leurs mères-azohim. Michaël s’incrusta parmi els sans avoir besoin de se déguiser avec le Sang d’Adam, qu’el ne possédait plus de toute façon. Les jeunes miliciens l’observèrent avec un mélange de surprise et d’amusement. 

— T’as pas peur que Papa vienne te chercher par le col petit Fitzarch ? demanda une puissance.

— El a d’autres choses à faire en ce moment, rétorqua Michaël. 

Michaël n’attendit pas d’être sur le front pour tisser. El arrosa les miliciens de ses thaumaturgies, décuplant leur force et leur volonté. Leurs command’ailes n’y trouvèrent rien à redire. 

— Merci, Fitzarch. T’es courageux. 

Après un long voyage, Michaël arriva sur le front. En descendant du vaisseau, el découvrit de ses propres yeux enfin ce qu’el n’avait pu suivre que via le réseau jusqu’à maintenant. Un ciel divisé en deux. Le royaume de Tiphéreth, plongé dans le noir, face à un mur de ténèbres infinis, sur toute la surface de la séphira. Pour éclairer l’ombre, les halos de milliards d’élohim au combat, et le feu sacré des séraphins forgerons. Immédiatement, Michaël prit son envol vers la chapelle Milicent la plus proche, arrivant comme une fleur sous les yeux ébahis des vertus. 

— Fitzarch ? Que faites-vous ici ? demanda l’agent d’accueil, entre peur et espoir. 

— Je veux parler au plus haut command’aile de cet établissement, annonça Michaël. 

 — Euh… d’accord. 

Michaël patienta en trépignant dans une salle d’attente, ignorant de son mieux les regards curieux, inquisiteurs. Son halo mauve de Fitzarch illumina la petite pièce, remplie de peupl’ailes étincelles, brûlants de questions. Michaël réalisa alors que cela faisait bien longtemps qu’el ne s’était pas autant mêlé à la populace. El se rappela de sa vie clandestine dans les mondes-fleurs de la capitale, il y a une décennie, de ses trafics pour survivre. El réalisa le chemin parcouru, son ascension pour arriver jusque sous le regard de son Père. Quelle aventure. Tant de malheurs, tant de coups de chances. Les paroles d’Arielle remontèrent alors à son esprit. 

“Ce n’est pas un hasard si tu es parvenu jusqu’ici Michaël. Géhenna est intervenu. Géhenna est partout.”

Michaël sentit alors les petites plumes sur sa nuque se redresser. El sursauta presque, s’accrocha à son siège pour résister à l’intuition de fuir. Non, el ne pouvait pas. El ne devait pas…

— Michaël Fitzarch ? Le command’aile Vladiel peut vous recevoir. 

Michaël se leva et suivit la vertu qui était venue le chercher. El avança le souffle coupé, la mine figée, ses instincts en alerte. On le mena dans un grand bureau épuré. Un éloha était assis dans une large chaise, de dos. El se retourna. Un halo d’or, deux paires d’ailes rouges, une peau pâle et de longs cheveux blonds. Michaël ne connaissait pas ce visage, mais el reconnut immédiatement la lumière rouge de ce halo. 

— Satanachia ? 

L’éloha sourit, les yeux pétillants de malice et d’amusement. El n’était pas vraiment Satanachia. Mais el portrait un fragment de sa lumière, comme Vilanel, Nana et surement tous les agents de Géhenna. Michaël le voyait maintenant. Était-ce un effet du sang d’Adam ? L’éloha invita Michaël à s’assoir devant el. Le Fitzarch, indigné, resta debout. El ouvrit la bouche, mais l’éloha le devança. 

— Hop ! Chut ! Attends ! Je suis pas là pour te ramener, enfin… ha…

— Laissez-moi tranquille ! s’exclama Michaël. Personne ne m’empêchera d’aller me battre, pas même vous et votre fichue Géhenna ! 

— Oui, oui, je sais. 

— Laissez-moi rencontrer le vrai commandant de cette chapelle, maintenant !

— Du calme, temporisa l’éloha. Je suis simplement venu te féliciter !

— Quoi ? souffla Michaël, s’apprêtant à une fourberie. 

— Tu es le premier des Fitzarch à avoir atteint le front ! Bravo !

Michaël secoua la tête, confus. L’avatar de Satanachia leva une main et un hologramme apparut alors au milieu de la pièce, diffusant le flux de Skynews, la première chaîne d’info des Cieux. Michaël découvrit alors Aradim sur son immense tapis, sortant du Palais d’Argent sous les acclamations du peuple de Tiphéreth. El fut suivi par Padmilia et par des centaines d’autres Fitzarch. Sous le choc, Michaël se mit à balbutier une question à peine intelligible. 

— Zeir Anpin est de retour ! annonça l’avatar de Satanachia. La séphira va être sauvée, et nous tous avec. Les grands du royaume sortent l’accueillir. 

— Je comprends pas, souffla Michaël. 

— Allons Michaël, tu crois que je t’aurai permis de sortir de l’abri en d’autres circonstances ? Je ne t’aurais pas laissé désobéir au Grand Architecte. On ne désobéit pas à ton Père, ça non. Mais pas d’inquiétudes, tu ne recevras aucun blâme pour être sorti avec tes frères, même si tu étais un peu en avance. Bébé Prométhée non plus ne se verra rien reprocher. 

Michaël ferma les yeux, soupira, atterré. 

— Je sais, tu es frustré. Tu voulais te battre. Mais rassure-toi, c’est toujours possible. 

— Quoi ? fit Michaël, les yeux fiévreux. 

— Maintenant que Tiphéreth est sauvée, j’ai une proposition à te faire.

— Quelle proposition ?

— Zeir est de retour ici, mais Guebourah n’est pas tiré d’affaire. Nous avons toujours besoin d’aide. De ton aide. 

Le visage de Michaël se décrispa, ses yeux s'ouvrant grand.

— On ne désobéit pas à mon Père, rappela Michaël. El m’a interdit d’aller à Guebourah.

— Oh, je peux le convaincre de te laisser partir tu sais. Allons. Je te propose d’aller voir Zeir faire le ménage et ensuite, nous pourrons en discuter. Mes vertus m’attendent. 

La domination se leva et quitta le bureau. Les yeux ébahis, Michaël le suivit.



Sur le dôme de la séphira, une main galactique se posa et les démons fuirent. Zeir Anpin prit l’œuf protecteur de Tiphéreth dans ses bras et souffla sur les ténèbres sa lumière sacrée. Les démons se désintégrèrent en un instant. Michaël observa la surface de la séphira s’illuminer de nouveau, tout comme les mondes-fleurs de Tiphéreth. La lumière fut, l’espoir. El soupira, reprenant souffle pour la première fois depuis des mois. Des larmes coulèrent sur ses joues. 

Les nobl’ailes du Palais d’Argent quittèrent tous l’abri pour venir parader dans le royaume, accompagnés par les réfugiés ivres de joie. Zeir était revenu juste à temps, quelle chance ! Peupl’ailes et nobl’ailes célébrèrent ensemble pour la première fois depuis des siècles, des semaines durant. 

Michaël participa à la fête distraitement. Une seule chose préoccupait à présent son esprit : Guebourah. Sans Zeir, le royaume Forteresse se retrouvait de nouveau seul face à la horde titanesque, qui allait y rediriger irrémédiablement ses forces. La milice de la forteresse avait-elle eu le temps de se renforcer ? Michaël passa des heures dans la salle stratégique d’Astra Strategica à la recherche de réponses. Les guébouréens n’avaient eut que quelques années de répit. Leurs nouvelles troupes, de puissances ou de vertus, étaient abondantes, mais très jeunes, inexpérimentées. De la chair à démon. 

— Els ont besoin de toute l’aide possible, comprit même le petit Prométhée, installé sur les genoux de son grand-frère. 

— Je veux m’y rendre, dit Michaël. Mais je ne peux pas m’allier à n’importe qui…

— Tonton Satan fait des bêtises parfois, mais el a de bonnes intentions, révéla Prométhée.

— Tu… tu le connais ?

— El vient me voir souvent. El est gentil avec moi. Je sais qu’el veut juste protéger son royaume, Guebourah. Papa en parle souvent à maman. 

La méfiance de Michaël envers Géhenna resta forte du traumatisme de son expérience à bord du Domitia. N’avait-el pas d’autres moyens de convaincre son Père de le laisser partir ? Devait-el vraiment pactiser avec le diable ? Pour trouver des réponses, el alla consulter Idiel. La domination, étrangement clame et lucide, l'accueillit dans ses quartiers hessediens, sous un beau ciel bleu. Idiel avait été le seul nobl’aile à ne pas célébrer le retour de Zeir, tétanisé par sa phobie étrange des partzufim. D’où venait cette peur irrationnelle ? Michaël avait interrogé ses pairs. La plupart n’en savaient rien. Padmilia, el, n’avait pas voulu répondre. 

— Que devrais-je faire ? demanda Michaël à Idiel. 

— Ton chemin te mène inexorablement vers Guebourah, révéla Idiel. Je te l’ai déjà dit. 

— Oui mais dois-je m’allier avec Géhenna ?

— Oui. Tu t’y résoudras, très bientôt. 

— N’y a-t-il pas d’alternatives ?

— Non. Ton Père et Satanachia ne te laisseront pas fuir comme tu as fui Hod ou l’abri. Tout cela avait été permis, facilité même. Si tu le tentes sans leur aval, els te rattraperont inexorablement. Et tu resteras prisonnier ici des années encore. 

— Comment peux-tu être sûr de ça ? s’agaça Michaël. 

— Je l’ai lu entre les étoiles, Michaël. Mes visions sont tortueuses mais elles s'avèrent. Elles sont une malédiction qui m’afflige mais aussi la seule raison pour laquelle on me permet d’être encore en vie. 

— Pourquoi diable voudrait-on t’éliminer ?

— Ça ne te concerne pas, rebuta Idiel.

Michaël soupira, faisant les cents pas. 

— Parle-moi de Satanachia. C’est quoi son agenda ?

— Satanachia est le plus proche conseiller de ton Père. El le protège des ambitions des archanges des Cieux tout entiers par l’intermédiaire des magouilles de Géhenna, son agence de “renseignements”. Satanachia est très influent ici comme à Guebourah. C’est en grande partie grâce à ses œuvres que le Royaume Forteresse tient encore. 

— C’est el qui a convaincu Père d’y envoyer Zeir ?

— Oui. Et el saura le convaincre de t’y envoyer à ton tour. 

— El convoite ma graine, n’est-ce pas ? El prétend vouloir me faire combattre à Guebourah mais el veut juste que je lui produise des vertus de haute génération pour alimenter ses troupes. 

— C’est vrai qu’elle convoite ta graine, confirma Idiel. Mais el ne ment pas quand elle dit vouloir te faire combattre. El ne t’enfermera pas comme ici. La production de troupes n’est pas l'objectif premier de Satanachia te concernant. 

Michaël s’immobilisa, leva un sourcil. 

— C'est-à-dire ?

— Satanachia est une domination avant tout. El a concocté ses propres prophéties, qu’el ne partage qu’avec ton Père. Tu es au centre d’une de ces prophéties, c’est certain. Mais ses tenants et aboutissants m’échappent. Satanachia a pris soin de masquer les étoiles autour de ses complots. Je ne peux lire leurs trajectoires. 

— Génial…

— Prends garde, Michaël, avertit Idiel. Je te l’ai déjà dit. Ta destinée, si ta volonté ne change pas, est de mourir sur le front de Guebourah. 

Le lendemain, Michaël quitta le domaine de Padmilia avec l’étrange intuition qu’el ne pourrait y revenir. El passa au gynécée royal pour prendre Prométhée avec el. 

— Allons nous promener entre frères, proposa Michaël à Arielle. Nous ne quitterons pas le gynécée, promis. 

Arielle acquiesça. 

— Reviens dans une heure. Je vais te présenter des demoiselles.

— Oui, oui. 

Michaël emporta le petit Prométhée et fila dans les jardins du gynécée.

— Pourquoi tu voles aussi vite ? demanda l’enfant. 

— On a pas beaucoup de temps. 

— On va où ?

Non loin des quartiers d’Arielle, au bord des jardins, se trouvait un magasin de robes azohiennes. De nombreux élohim y venaient pour procurer des cadeaux à leurs épouses ou leurs mères. Michaël y entra avec Prométhée et se dirigea au dernier étage du magasin, vers un grand dressing. Un éloha tenait un comptoir pour accueillir les azohim venues faire des essayages. Michaël voulu se présenter à el, puis s’arrêta, se pinçant les lèvres. 

— Vilanel…

La domination était là, tout sourire, comme si de rien n’était. C’était el qui avait récupéré Michaël à Hod, emmené dans le Reflet puis confié à Nana pour monter dans le Domitia. El était un agent de Géhenna. 

— Mon maître t’attend, jeune vertu, salua-t-el. 

Michaël mit avec réluctance le passé de côté. El sourit à son tour pour ne pas inquiéter Prométhée et entra avec el dans un vaste salon d'essayage, orné d’un grand miroir. 

— Et si on choisissait une robe à offrir à maman ? proposa Michaël. 

— Maman a déjà toutes les robes ! ria Prométhée.

— Alors choisi en une pour toi.

Prométhée applaudit et se précipita dans le dressing, où des robes pour petites demoiselles étaient aussi à disposition. El revêtit une robe en sequin argentée qui le fit ressembler à une adorable boule de disco. 

— Oh le petit chéri !

Satanachia apparut dans le reflet d’un miroir. El le franchit comme s’il n’était qu’un simple passage et s’installa dans le salon, face à Michaël, sans même regarder la vertu. La grande domination n’avait d’yeux que pour Prométhée. 

— Tonton Satan ! s’exclama l’enfant en se précipitant dans les bras de Satanachia. 

La grande domination prit l’enfant sur ses genoux et complimenta sa tenue. 

— Eh bien, vous vous connaissez bien, constata Michael. 

— C’est un secret ! ria Prométhée. Maman n’aime pas tonton Satan ! 

— Maman est casse-pied hein ? sourit Satanachia. Maman a la faveur de Papa et se croit tout permis.

— Michaël ! Dit rien ! ordonna Prométhée. 

— Je dirai rien, promis. Satanachia, merci de me recevoir. 

— Je t’en prie, sourit la domination. 

— À la lumière de notre libération et du retour de Zeir, j’aimerais redemander au Grand Architecte de m’envoyer à Guebourah. M’aiderez-vous ?

— Pourquoi diable je t’aiderai ? soupira Satanachia en levant les yeux au ciel.

Michaël se figea, confus.

— Vous m’avez proposé un pacte par l'intermédiaire d’un de vos agents il y a quelques jours à peine, lors du retour de Zeir. Vous m’avez affirmé pouvoir et vouloir m'emmener à Guebourah. 

— Certes mais, j’ai besoin de certaines garanties de ta part Michael, asséna Satanachia. Convaincre ton Père de t’envoyer là-bas me coutera de nombreuses faveurs. Alors dis-moi, pourquoi devrais-je te faire confiance ? 

— C’est culotté de votre part de me demander ça ! s’emporta Michael. 

Les yeux azur de Satanachia pétillèrent de malice. La domination était en position de force, Michael le savait. El allait devoir rentrer dans son petit jeu dégoûtant.

— Je suis une puissante vertu militante, formée par Ennead, la meilleure chorale de Hod, argumenta Michaël. Je suis aussi un Fitzarch et ma graine est précieuse, comme l’a dit le Grand Architecte el-même. 

— Si précieuse que tu souhaites la sacrifier au front, s’amusa Satanachia. 

— Je suis prêt à prendre des épouses guébouréennes et à engendrer des petites vertus pour perpétuer ma graine, concéda Michaël. Vous aurez ainsi un bon nombre de vertus de troisième génération pour renforcer les rangs de la Milice de la Forteresse. 

— Oh. Et qui te dis que nous n'avons pas déjà plein de vertu de troisième génération à Guebourah ?

— J’ai étudié votre démographie, contra Michaël. Vos troupes sont abondantes mais trop fraîches, trop fragiles, de trop basses générations. Le répit accordé par Zeir a été trop court. 

— Il n’y a jamais de répit lors d’une titanomachie…

— Nous avons besoin l’un de l’autre, dit Michaël. Mettons le passé de côté. Travaillons ensemble pour EL et le Grand Dessein. 

— Je ne peux pas te faire confiance Michaël, asséna alors Satanachia. 

Michaël secoua la tête.

— J’ai moi-même une grande méfiance envers vous et Géhenna. Après tout, vous m’avez balancé dans l’espace inter-céleste par EL ! Mais je suis prêt à mettre ça de côté pour servir nos intérêts communs ! 

— Tu nous as trahis Michaël, soupira Satanachia, d’une calme lassitude. Tu as un gros problème avec l’autorité. C’est ingérable, ingérable ! Tu es têtu, tu ne communiques pas, tu fais les choses en douce et tu n’as aucune considération pour tes supérieurs ou tes aînés. As-tu pensé à Padmilia ? À Brenna ? 

— Padmilia et Brenna iront très bien, s’agaça Michaël. Moi je pense au peupl’aile ! Je veux secourir les élohim de Guebourah ! 

— Tu ne nous apporteras que des problèmes. 

— Non ! Je suis volontaire ! Je suis le seul Fitzarch de la Création prêt à me sacrifier par EL !

— Nous avons subi bien assez de sacrifices à Guebourah ! s’emporta alors Satanachia, son expression nonchalante balayée. Des martyrs nous ne connaissons que ça ! J’ai perdu mes frères, mes fils, mes amis ! Et maintenant, je dois convaincre mon fr… mon souverain le Grand Architecte de sacrifier sa propre descendance ?! Le devoir des Fitz est de procréer ! C’est ainsi depuis l’aube du Tikkun ! Pourquoi n’es-tu pas capable de le comprendre, de l’accepter et de faire ton devoir !

Michaël se figea, choqué. Un silence inconfortable s’installa, puis soudain : 

— Tonton Satan pourquoi t’es méchant avec Michaël ?! 

Satanachia sursauta. Sur ses genoux, Prométhée affichait une expression froissée.    

— Je suis pas méchant avec Michaël, je suis honnête, c’est tout. 

— Non, t’es méchant ! Y’a quelques jours tu lui as promis de l’aider et maintenant tu changes d’avis ? À quoi tu joues ? 

Les yeux de Satanachia se remplirent de chagrin. 

— Prométhée… soupira Michaël. Est-ce que tu aimes tonton Satan ?

— Oui ! D'habitude…

Satanachia regarda ailleurs. 

— Aimerais-tu passer plus de temps avec el ? demanda Michaël. 

— Seulement si el arrête d’être méchant avec toi. 

— Ah…

— Tu es donc prêt à me vendre ton petit frère pour aller à Guebourah ? s’indigna Satanachia. 

— Vendre ? Non. Je vois juste qu’il existe un lien fort entre vous. J’ai pu constater que notre pauvre Prométhée est isolé ici et je n’aime pas ça. C’est un enfant de mon nid, j’ai donc le souhait qu’el étende ses horizons, son éducation, ses activités, pour qu’el devienne un éloha épanoui. 

— Eh bien, de nombreux tuteurs seront à ta disposition. 

— Et si vous deveniez son tuteur ? 

— Est-ce une offre ? 

— Mmh mmh… Prométhée, voudrais-tu que tonton Satan devienne ton tuteur ? El pourrait te faire sortir du gynécée, te faire voyager au-delà du Palais d’Argent même !

Les yeux de Prométhée s’ouvrirent grand, remplis d’émerveillement. 

— Maman n’aimerait pas, s'inquiéta l’enfant. 

— Je peux aller lui parler si tu veux. Je suis sûr que je pourrai la convaincre. 

— Arielle n’a plus de droits sur Prom, dit alors Satanachia à travers le réseau EL, pour que l’enfant n’entende pas. En te le donnant el a fait de toi le maître de sa destinée. Elle t’a fait confiance. Tu vas la trahir ainsi ?

— Prom a tout intérêt à vous appartenir, dit alors Michaël. Je sais qu’el est au centre de certaines de vos prophéties. Et je pense que je le suis aussi. 

L’expression de Satanachia changea. Finit l'apitoiement, el sourit de nouveau, d’une oreille à l’autre. Comme Michael le soupçonnait, son revirement n’avait été qu’un test, ou plutôt, un moyen d’obtenir ce qu’el voulait. 

— Prométhée est un enfant de vos prophéties, Arielle me l’a dit. Je le suis aussi, n’est-ce pas ? 

Satanachia sourit. 

— Tu l’es, oui. Idiel a raison. 

— C’est quoi ces prophéties ? C’est quoi nos rôles, à moi et Prométhée ?

— Je ne peux pas tout t’expliquer en détail. Les chemins sont trop nombreux, trop nombreux à mener vers la victoire des ténèbres. Mais dans l’océan de l’Abysse, je distingue une voie, une voie de lumière. 

— Hein ?

— Une voie pour sauver la Création de la brisure. Une voie pour outrepasser la menace des ténèbres, de l’hérésie, de la fin des temps. Toi et Prométhée faites partie de cette voie. Ton destin est de mourir sur le front de Guebourah, et ce sacrifice sera un pas sur cette voie de lumière. 

— Prométhée sera-t-el sacrifié el aussi ? s’inquiéta Michael. 

— Non. Sa destinée est tout autre. 

— Qu’elle est-elle ? 

— Je ne peux te le dire. 

— Pourquoi ? Risquerai-je de vouloir la contrecarrer ? Qu’avez-vous prévu pour cet enfant ?

— Prométhée produira… quelque chose, quelque chose qui illuminera la Création comme jamais. 

— De quoi vous parlez !? s’agaça Prométhée. Je sais que vous parlez en secret ! Je vois vos halos scintiller hein !

— Tout va bien Prométhée, sourit Satanachia. Tu as raison, j’ai été injuste envers Michael. J’ai décidé de l’emmener à Guebourah.

— Youpi ! s’exclama Prométhée.

— Mais Michael devra faire preuve de patience et de coopération. En échange, je lui promets de combattre et d’accomplir la destinée qu’el souhaite avoir. 

Michael soupira, entre résignation et soulagement. 

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